1

Institut Périchorèse - Atelier d'iconographie

 

accueil

Sang neuf et renouveau

2012-2013 La mission se poursuit sous le signe de la Mère-de-Dieu-de-la-Chora

Depuis 2009, il me semble que je n'arrête pas de dire "Du nouveau à l'Atelier d'iconographie de Périchorèse". Et cette année ne fait pas exception !

 

Départ et renouveau

 

En juillet dernier, j'ai annoncé mon départ à l'équipe permanente de l'Atelier In-Chora. Cette équipe est composée de Diane Poulin-Sarkis, Nicole Tanguay et Virginie Desjardins. J'ai également annoncé la nouvelle aux personnes qui viennent apprendre l'iconographie chez nous. Déménageant en région éloignée, il m'est désormais impossible d'assurer l'enseignement à l'Atelier. Ce déménagement aurait également rendu bien compliquée la gestion de l'Institut Périchorèse et c'est pourquoi j'ai décidé de démissionner également de mes fonctions d'administratrice et de directrice générale. Les deux autres membres du CA actuel résilieront leurs charges en même temps que moi et c'est donc un nouveau CA, composé de l'équipe actuelle, Diane, Nicole et Virginie, qui prendra la relève.

 

Ce changement sera effectif le 15 octobre 2012, en la fête de sainte Thérèse d'Avila. Diane, Nicole et Virginie administreront l'Institut Périchorèse ainsi que le partenariat que nous développons depuis 2010 avec l'Église orthodoxe Saint-Georges-Antioche de Montréal. Elles assumeront également l'enseignement de l'iconographie, lequel se poursuivra comme par le passé par le biais d'ateliers libres , d'ateliers accompagnés , de formation ICO 101 Première icône et éventuellement de formations thématiques ponctuelles. Pour ma part, je vais continuer la gestion du site internet de Périchorèse et de notre galerie d'icônes sur Flickr. Je poursuivrai également la publication de documents techniques et théologiques sur nos sites.

 

Ce déménagement est bien imprévu car je croyais devoir demeurer dans la région de Montréal pour quelques années encore. Mais le Bon Dieu semble avoir vu les choses venir et c'est sans doute lui qui a inspiré le projet Iconographes-en-résidence mis sur pied en janvier 2012. L'objectif de cette activité était de permettre à des iconographes, impliquées depuis plusieurs années dans l'iconographie, d'aller plus loin dans leur apprentissage tout en produisant des icônes, certaines pour notre Atelier et d'autres destinées à la vente. C'est ainsi que Virginie, anciennement du Centre de spiritualité hésychaste de Montréal (Centre Emmaüs) s'est jointe à l'équipe déjà constituée de Nicole et Diane.  L'appartenance communautaire chrétienne des trois femmes est variée - alors que Nicole est catholique romaine, Virginie est catholique de rite byzantin tandis que Diane est orthodoxe. (1)

 

Quel beau terrain de vie le Seigneur nous a préparé là ! Trois femmes iconographes, généreuses, pratiques et ayant déjà développé ensemble une belle synergie... Trois femmes ayant de nombreux talents et des personnalités complémentaires... Trois femmes priantes avec une spiritualité personnelle vivante et bien intégrée à notre monde. Trois femmes motivées et désireuses de poursuivre leur propre formation iconographique pour mieux transmettre leurs connaissances et leur expérience. Que demander de plus ?

 

Pouvez-vous percevoir combien j'aime et j'apprécie ces trois femmes ? Probablement pas autant que la réalité ! Lors d'un récent atelier accompagné, nous nous amusions à un petit jeu de psyconographie en tentant de résumer en mots-clés ce qui se dégageait de nos icônes - et donc, nécessairement un peu de nous. Reprenant ce jeu, je dirais que Diane évoque pour moi la sagesse longue et patiente, Nicole la simplicité évangélique et Virginie la passion. Elles ont bien sûr d'autres attributs, mais cela dit bien ce qui me vient quand je pense à elles, tant comme personnes qu'en regard de ce qu'elles peuvent offrir à Périchorèse dans la poursuite de sa mission.

 

Les réalisations 2011-2012

 

Quelques mots sur l'année 2011-2012 qui vient de se terminer.

 

Comme par le passé, l'Atelier a continué de former des iconograpes, débutantes ou progressantes. De belles icônes ont été écrites que l'on peut voir dans notre Album d'icônes, sur notre site, et sur Flickr . Il y a eu peu de nouveaux visages, mais la qualité de la communauté iconographique qui se développe à In-Chora vaut la peine d'être soulignée. Je vais revenir plus loin sur cet esprit communautaire que j'ai observé cette année.

 

J'ai pour ma part écrit entre autres deux grandes icônes, celle du Christ Vraie Vigne et celle de la Mère de Dieu Source de Vie , pour la nef de l'église paroissiale Saint-Georges d'Antioche. Ce fut toute une aventure que de travailler sur de si grands formats (0,92 x 1,27 m) avec un dos en compote et des yeux bien déficients, mais quelle expérience ce fut pour moi, formatrice et surtout très libératrice, guérissante. Merci à Diane et Michel, à l'équipe de l'église Saint-Georges ainsi qu'aux donateurs de m'avoir offert cette opportunité.

 

Quelques textes ont été publiés sur le site internet de Périchorèse, principalement des informations techniques. A l'automne 2012, une galerie spéciale, appelée Périchorèse-in-Chora, a été créée sur Flickr pour y publier des documents techniques illustrés. Le premier, publié au début du mois d'octobre, porte sur le levkas.

 

Depuis l'hiver 2012, un beau projet a vu le jour, celui de l'écriture communautaire d'une icône-emblème de notre Atelier sur le thème de la Mère de Dieu de la Chora. Le genre de l'icône appartient à la catégorie des Vierges orantes dites du Signe, celles qui montrent la Mère de face et en prière, bras levés vers le ciel et avec dans son sein l'Emmanuel en médaillon dans une mandorle (ci-contre, le dessin et le début de l'ouverture au 2 octobre 2012).

 

Le nom de notre icône, Mère de Dieu de la Chora, s'inspire des travaux d'André Grabar (1). Parlant d'une icône des Blachernes, une Vierge orante ancienne, il la désigne comme la Chora-ton-achoron - expression que l'on peut traduire comme l'Espace-du-Sans-espace, la Limite-de-l'Illimité, Celle-qui-contient-en-son-sein-Celui-que-les-cieux-ne-peuvent-contenir, etc., tous termes renvoyant à l'Incarnation de Dieu en Jésus-Christ. Grabar la classe dans les icônes de non-contact, par opposition aux Vierges de tendresse, par exemple, non pas pour dénigrer ces dernières, mais pour souligner la performance iconographique qui réussit à montrer symboliquement le lien, sans opposition ni confusion, entre la transcendance divine, signifiée par la mandorle théophanique, et l'immanence totale de son Incarnation de par la maternité miraculeuse de la Théotokos. Le rôle suréminent, archétypal, tout autant que prototypal, exemplaire (notre modèle), de Marie dans le plan divin du Salut est souligné de manière remarquable dans cette représentation que les Orthodoxes désignent sous le titre de Panaghia-Platytera, la Toute-Sainte-Plus-Vaste-que-les-Cieux.

 

Avec cette icône, la Toute-Sainte en intercession et en action de grâce devient - avec le Pantocrator qui est à l'origine de notre atelier d'iconographie depuis soeur Denise Rioux, f.j. en 2002 - notre guide et la protectrice attitrée de nos espaces iconographiques personnels et communautaires.

 

Infiniment précieux et infiniment fragile

 

Cette évocation de la Pacifiante m'amène à vous parler du trésor le plus précieux, mais aussi le plus fragile, de toute communauté, son esprit.

 

Gérard Marier, prêtre fondateur de la communauté québécoise du Désert et aussi de l'Exode où j'ai vécu, aimait à répéter que "faire communauté, c'est un miracle". Combien d'oeuvres magnifiquement démarrées ne se sont-elles pas gâchées, ou à tout le moins fortement affaiblies, en raison de l'entrée d'esprits de chicane, de comparaison, de convoitise envieuse et de dominations subtiles ? Les Actes des Apôtres sont remplis d'exemples de ces tentations qui n'ont l'air de rien, mais qui, petit à petit, sapent la construction communautaire.

 

Bien que le Christ soit le fondement de l'Église et que son Esprit soit le grand vainqueur de ce qu'il appelle le Monde (Jn 16,33), il n'en faut pas moins prendre très au sérieux tous les indices de 'violence ordinaire", pour reprendre le titre d'une série diffusée à Télé-Québec en 2004-2005. Violence ordinaire car fabriquée de mots, de silences et de gestes anondins, en apparence sans conséquence, mais qui, à la longue, affaiblissent le tissu communautaire en blessant les coeurs qui, dès lors, se protègent en reproduisant ces attitudes sapeuses de bonne volonté.

 

Leur dénominateur commun : le levain des pharisiens, si violemment dénoncé et combatu par Jésus au temps de sa vie terrestre.

 

Une amie à moi parlait de sa belle histoire d'amour et de son sentiment amoureux comme "quelque chose d'infiniment précieux et d'infiniment fragile." La communauté, c'est cela : un souffle fragile, comme l'argile dont nous venons, en même temps que puissant, comme l'Esprit qui l'anime. C'est le symbole même de la première lumière de feu que nous déposons sur les visages de nos icônes, laquelle est ensuite recouverte de l'ocre terne avant de reprendre sa montée dans, par et vers la lumière (voir vignettes ci-contre).

 

Vigilance et patience à chaque étape laborieuse pour recouvrer, enrichie du travail de nos mains fait avec amour, la lumière de départ. Voilà notre ascèse.

 

Je vous dis donc : prenez grand soin de cet esprit, que je vois si beau à l'Atelier In-Chora. Prenez-en soin avec attention, sans contention et en douceur, mais néanmoins en état de veille de manière à garder fécond ce terreau qui voit vos vocations iconographiques naître et croître. Ce sera toujours à recommencer, bien sûr, mais la lumière de feu, votre appel à l'icône, l'Esprit saint, sous-tend chacun de vos efforts pour faire communauté. Je le crois de toute ma foi et ce sera ma prière à la Mère de Dieu de la Chora et à l'Emmanuel ainsi qu'au Pantocrator-Maître-de-tout. Que Marie, tout particulièrement, préserve en vous et entre vous l'esprit des icônes, lesquelles sont par vocation témoins de ce qui se fait dans la chair, témoins de l'incarnation.

 

Je me rappelle mon premier stage avec soeur Denise Rioux, Lise Ouellet et soeur Marthe Bélanger à Saint-Pierre-de-Lamy en 1995. Malgré l'amour déjà immense que je portais à soeur Denise et mon désir, bien humain, de me faire "bien voir d'elle", je me rappelle que je me retirais parfois de son regard pour éduquer ma vocation iconographique que je voulais libre des 'games' du monde. J'étais très consciente que j'entrais en iconographie comme on entre en religion et je me disais que si soeur Denise ne voyait pas ce qui se passait dans telle ou telle circonstance, par exemple, cela était secondaire même si toute ma sensibilité - ma chair - était heurtée par cela. Incarnation : ce qui se fait dans la chair. C'est cette expérience primordiale de choix lucide, mais parfois crucifiant, qui m'a donné la force de traverser les difficultés que j'ai rencontrées avec l'Atelier, notamment en 2006 et en 2009. La chair se battait avec l'esprit, bien sûr !, mais je faisais confiance, car, au fond de moi, je savais que l'appel à l'icône avait été réel et la réponse de mes débuts sincère. Pas parfaite, mais sincère.

 

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela ? Simplement pour vous dire que l'esprit de votre vocation à l'icône - et ici je parle des personnes, mais aussi de ce que vous bâtissez ensemble et qui s'appelle la communauté, l'Église - vous devez le chérir comme un bien infiniment précieux, une perle rare, car il est la fibre vive du tissu communautaire que vous fabriquez fil à fil avec les autres iconographes. Esprit de liberté, de transparence (vérité), d'amoureuse et ardente patience, de travail et de détachement - voilà les mots-clés qui me viennent en pensant à l'avenir de l'Institut Périchorèse et de son Atelier d'iconographie et au futur des iconographes d'ici. Je vous les offre en prière et en union spirituelle permanentes avec vous.

 

Paix à vous et très bonne route !

   

 

Michèle Lévesque

 

6 octobre 2012

en la fête de saint Bruno

dmàj 2012-10-25

(1) Errata.  Dans la première version de cette lettre, il était écrit que Virginie Desjardins était de confession orthodoxe alors qu'elle est catholique de rite byzantin.

 

 

 

 

(1) Grabar, A. (1984, rééd 2011). L'iconoclasme byzantin : le dossier archéologique. Paris : Flammarion.

 



L'icône de la Mère de Dieu du Signe In-Chora a été finalisée en 2013.  Voir le texte In-Chora... Pourquoi ce nom ? pour détails
La nouvelle équipe de Périchorèse

De gauche à droite :

Nicole Tanguay, Virginie Desjardins,
Diane Poulin